On passe à l'acte | On a décidé d'accueillir les réfugiés de Calais dans notre communauté chrétienne de Taizé

On a décidé d'accueillir les réfugiés de Calais dans notre communauté chrétienne de Taizé

'On a décidé d'accueillir les réfugiés de Calais dans notre communauté chrétienne de Taizé' Taizé

Publié le 09/03/2017
Bourgogne
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Thème :
Insertion - solidarité

Lanceurs d'avenir

Accueillir dignement les réfugiés et leur offrir de nouvelles opportunités

En Automne 2015, la communauté monastique, chrétienne et oecuménique de Taizé, composée d'une centaine de croyants originaires de 35 pays différents, a décidé d'accueillir des réfugiés venant de la jungle de Calais.

Frère Benoît confie : "avant tout, notre mission principale, c'est d'accueillir des gens. Qu'ils soient blancs ou noirs, chrétiens ou musulmans, cela nous est égal !"

La décision a été prise en accord avec l'ensemble du village. Le Maire de la commune les a d'ailleurs accueilli personnellement.

11 réfugiés ont donc été intégrés à la communauté. Ibrahim, originaire du Darfour, témoigne : "A Calais, on était traité comme des animaux. Ici nous avons le droit d'être des hommes."

"C'est une tradition à Taizé d'offrir l'asile aux personnes réfugiées qui en ont besoin" explique Frère Benoît. En effet, dès 1940, la communauté accueillait des gens en fuite, du fait de sa situation géographique non loin de la ligne de démarcation.

Depuis l'arrivée des réfugiés à Taizé, quatre d'entre eux ont trouvé du travail et un logement dans un village voisin.

Philippe Lamberts, membre d'un parti écologiste belge et député européen, a déclaré : "Ce qui fonctionne ici pourrait marcher ailleurs (...). A Taizé, les gens construires des ponts, pas des barrières."

 


Pour en savoir plus :

Inch'allah ! Si Dieux le veut !, un article de Stéphanie Eisenreich, traduit par Christelle Lader

Depuis un ans et demi, la communauté chrétienne de Taizé, en Bourgogne, recueille des réfugiés issus de la jungle de Calais. La cohabitation entre les réfugiés et les habitants est confrontée à des différences culturelles et religieuses qu’ils surmontent au jour le jour.

© Stefanie Eisenreich. Traduction © Christelle Lader.

“Dégage!” C’est l’un des premiers mots qu’a appris Ibrahim Omeur en arrivant en France.  Que ce soit à Nice, Marseille, Paris et finalement dans la jungle de Calais, cette formule revenait très régulièrement à ses oreilles. Ibrahim était loin de deviner que dans certaines parties de ce monde qui lui était encore inconnu, l’étranger n’était pas le bienvenu. Au contraire ! Chaque fois qu’on utilisait ce mot pour l’interpeler il pensait qu’on lui souhaitait la bienvenue ! Après ce voyage éprouvant qui le conduisit du Soudan à la Lybie puis de l’Italie à la France, sa naïveté fit son malheur alors qu’il pensait saluer un policier. Celui-ci, agacé, lui passa les menottes et s’entreprit de fouiller ses maigres effets. Ibrahim ne comprit pas cet agacement. C’est seulement après presque deux mois en France, à Taizé, qu’on lui expliqua la véritable signification de cette « salutation ». C’est ici, dans ce village de 180 âmes, situé dans la campagne vallonnée de Bourgogne, entre Dijon et Lyon, que le jeune soudanais de 28 ans a trouvé, il y a un an et demi de cela, une maison et « une nouvelle famille » comme il se plaît à le dire.

En automne 2015, la communauté monastique chrétienne œcuménique de Taizé, qui compte environ une centaine de croyants originaires de 35 pays différents, a répondu à l’appel du gouvernement français. Les membres de la communauté, en collaboration avec la commune, ont décidé de recueillir 11 réfugiés issus de la jungle de Calais. « C’est une tradition à Taizé d’offrir l’asile aux personnes réfugiées qui en ont besoin » explique Frère Benoît. Âgé de 34 ans, celui-ci vit à Taizé depuis 11 ans. Il est arrivé dans la communauté en 2005, où on accueilli des réfugiés de guerre depuis 1940. Le village se situait non loin de la ligne de démarcation qui séparait la France en deux au début de la Seconde Guerre Mondiale : un lieu idéal pour accueillir des gens en fuite. Un lieu idéal, aujourd’hui encore.

Après la fuite : espérer et attendre une opportunité

Ibrahim Omeur fait partie des 11 réfugiés qui fêtait sa première année dans la communauté le 5 novembre 2016. A son arrivée à Taizé l’année précédente, il faisait froid, le vent soufflait se souvient-il. L’hiver sonnait le glas et Ibrahim, après un long voyage de douze heures, était fatigué mais heureux. Jusqu’au bout il n’avait pas su vers où le bus l’emmenait. Il avait échappé à un conflit armé dans son pays natal, le Darfour, qui avait coûté la vie à son père, son frère et ses quatre sœurs. Après deux ans en Lybie, la guerre civile, l’oppression et la discrimination le rattrapèrent avec le Printemps arabe. Il prit la fuite par la mer Méditerranée à bord d’un bateau gonflable surpeuplé qui n’atteignit jamais son but. Ibrahim, au milieu d’autres réfugiés, nagea pour sa survie jusqu’à ce qu‘un navire leur porte secours. Les femmes et les enfants se noyèrent. Ce sont ces images traumatisantes de la fuite qui, aujourd’hui encore, accompagnent Ibrahim. Il ne connaissait pas grand chose de l’Europe. Il est passé un peu par hasard de l’Italie à la France. Ses pieds le faisaient souffrir, ses vêtements sentaient mauvais. Il voulait arriver. N’importe où. À Paris, il a dormi dans la rue avec d’autres réfugiés jusqu’à ce qu’on lui parle de Calais. Il ne voulait pas aller en Angleterre mais il espérait une chance. Celle-ci arriva plus vite que prévu. Ibrahim pu quitter la jungle après seulement quatre jours, accompagné de neuf autres soudanais et Nemat, un afghan.

Décider en accord avec la communauté locale

La décision d’accueillir les réfugiés dans la communauté a été prise avec l’ensemble du village, explique Frère Benoît, d’un ton sobre mais empreint de fierté. C’est ce qui a amené le maire de la commune, Georges Bouillin, à accueillir personnellement les jeunes hommes en cette froide soirée de novembre. Pour cette occasion, il était entouré de quelques frères de la communauté ainsi que d’habitants, chrétiens, athées et agnostiques réunis côte à côte. Un geste qui est loin d’être évident quand on observe les résultats des dernières élections régionales l’an passé qui ont vu le parti d’extrême-droite atteindre les 12,5% de vote au deuxième tour dans ce département, et que la région Bourgogne-Franche Comté comptabilisait au total 32,5%.

« Bien sûr il y en avait qui avaient des doutes au début. On ressentait de l’incertitude, des questionnements qui se propageaient aux villages voisins », explique Frère Benoît, qui gère la communication et l’intégration des réfugiés au sein de la communauté de Taizé. « Mais il était important pour nous de montrer aux autres qu’on ne voulait pas simplement offrir un abri à ces jeunes hommes mais que notre volonté allait au-delà : nous souhaitons leur offrir notre aide et les accompagner dans leur démarche d’intégration et d’apprentissage du français ». « Cela n’a pas posé de problème ? » « Si, naturellement cela a été difficile au début pour les garçons et pour nous aussi. Nous étions conscients des différences culturelles et religieuses », souligne Frère Benoît. « Mais avant tout notre mission principale est d’accueillir des gens. Qu’ils soient blancs ou noirs, chrétiens ou musulmans cela nous est égal. » C’est cette tolérance qui attire près de 5000 volontaires, pèlerins, chrétiens ou non, chaque année à la communauté. Inch’allah, si Dieu le veut, entend-on partout ici. C’est cette tolérance qui permet à Ibrahim, Nemat et aux autres réfugiés de recommencer une nouvelle vie ici, à Taizé. Dans la maison Lavena où les réfugiés cohabitent, il y a de l’eau courante, l’électricité et un lit confortable. Sur la table de chevet le Coran a trouvé sa place à côté de la Bible. Pendant la journée, Ibrahim apprend le français « A Calais, on était traités comme des animaux » raconte-t-il en baissant les yeux. « Ici nous avons le droit d’être des hommes. »

« Calais ? C’était la guerre ! »

Après la fermeture du camp de réfugiés de Calais début novembre 2016, 16 autres jeunes réfugiés venant du Soudan, de Syrie et d’Erythrée, ont trouvé une maison temporaire à Ameugny, un village voisin de Taizé. Ils ont entre 14 et 18 ans et font partie des 2000 réfugiés mineurs non-accompagnés qui ont dû quitter leur abri de fortune dans la jungle de Calais. Ils ne souhaitent pas rester à Taizé. La plupart d’entre eux espèrent toujours pouvoir regagner l’Angleterre et retrouver des membres de leur famille. Au sein de la communauté, on les aide comme on peut en collaboration avec l’association « Le Pont ». Celle-ci assume la partie administrative, la prise en charge sociale et pédagogique et s’efforce de trouver des contacts en Angleterre.

Le mois dernier, plusieurs sont allés à la mosquée de Chalon-sur-Saône dont l’imam, Ahmed Belgazi, est un ami proche de la communauté. Par la suite, un jeune réfugié a voulu observer la prière à l’église de Taizé. « Ce n’est pas du tout l’islamisation comme nous le présente par exemple l’AFD (l’Alternative pour l’Allemagne)» s’énerve Anton, jeune volontaire. « Au final, on prie tous le même Dieu. Chacun est libre de pratiquer sa religion, ainsi nous prions ensemble, chacun à notre manière. »

Une intégration réussie

Philippe Lamberts,  homme politique belge, membre du parti écologiste Ecolo et député européen est lui aussi convaincu de l’hospitalité de la communauté de Taizé « Le plus important pour moi, est que ce soit possible, tout simplement ! » dit-il en parlant de l’accueil et de l’intégration réussie d’Ibrahim et de ses camarades. Ce politique de 53 ans appartient depuis quelques années déjà aux visiteurs réguliers de la communauté chrétienne. Durant son séjour annuel de six semaines, il y tient des workshops sur la crise des réfugiés entre autres. Au Parlement, il règne un grand silence sur ce thème déclare-t-il. Personne ne semble prêt à proposer une solution. « Mais ce qui fonctionne ici pourrait marcher ailleurs », lance Lamberts, convaincu. « A Taizé, les gens construisent des ponts, pas des barrières ».

Est-ce que Taizé peut jouer un rôle d’exemple pour une politique d’intégration réussie, malgré le silence du Parlement face à la crise des réfugiés et des tendances vers les partis d’extrême-droite en Europe ? Cela reste à voir. Elle est en tout cas un exemple qui donne de l’espoir. Quatre des dix jeunes hommes qui sont arrivés de Calais à Taizé, ont trouvé un travail et un logement dans un village voisin. Ibrahim, qui travaillait avant dans l’agriculture a également trouvé un emploi dans la viticulture. Il aimerait reprendre des études et rester en France. « Mais on verra bien ce qui se passe » nous dit le jeune homme en ajoutant tout sourire : « Inch’allah, si Dieu le veut ! » 



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